Un mois après le séisme en Tanzanie, que deviennent les populations sinistrées

Le 10 septembre dernier survenait un tremblement de terre d’une magnitude de 5.7 sur l’échelle de Richter en Tanzanie dans la région de Bukoba. Ce séisme meurtrier laissait alors derrière lui 19 morts, plus de 250 blessés et des centaines d’habitations détruites. Philippe Krynen, Responsable de Partage Tanzanie, partenaire local de France Parrainages dans la région...

Quelle est la situation actuelle à Bukoba ? Combien d’habitations reste-t-il à reconstruire ?

À Bukoba même, nous avons dénombré 2500 habitations sérieusement touchées, certaines complétement détruites et d’autres en partie endommagées.
Il y a eu 19 morts, ce qui est peu finalement au vu de l’amplitude du séisme. En effet le séisme est survenu à trois heures de l’après-midi un samedi, à une heure où les Tanzaniens ne sont pas chez eux. Ce samedi était également le premier jour des vacances scolaires, donc par chance les écoles étaient vides. Il y a cependant eu plus de 250 blessés. Les hôpitaux locaux ont vite été débordés car c’est la première fois qu’un tremblement de terre survenait dans la région.
Partage Tanzanie travaille au sein de 21 villages en parrainant, avec France Parrainages, 2250 enfants. En ville, 300 enfants sont parrainés. La différence de dégâts due au séisme est impressionnante d’un village à l’autre. Cela s’explique par le fait que certains villages étaient situés sur des sols rocailleux, causant la destruction de nombreuses habitations, alors que d’autres étaient construits sur des terrains plus argileux qui ont amorti les vibrations du séisme et réduit considérablement les dommages.
Au total, 53 familles aidées par Partage Tanzanie et France Parrainages doivent reconstruire leur maison.


Combien de familles sont encore impactées ? Y-a-t-il eu un impact au niveau de l’agriculture de la région ?


La durée du séisme a été trop courte pour avoir un impact sur l’agriculture de la région. L’impact du séisme s’est fait ressentir uniquement sur les bâtiments et habitations de la région. Les habitants de ces maisons ne vivent plus à l’intérieur depuis le séisme, ils dorment chez des voisins. Il y a une forte entraide, surtout dans les villages en brousse. En ville, les habitants touchés dorment malheureusement dans des tentes sur les trottoirs en attendant que leur maison soit reconstruite.

Quel est le montant des travaux ? Combien de fonds devez-vous encore lever ?


Nous avons estimé le montant des travaux à 120 000 euros. Partage Tanzanie gère quatre écoles de formation professionnelle et une de ses écoles a vu son dortoir détruit par le tremblement de terre. Nous avons donc décidé de reconstruire un nouveau dortoir directement sur le périmètre de l’école, une construction qui nécessite à elle seule près de 20 000 euros. L’objectif est de reconstruire des bâtiments plus solides et durables, qui pourront résister à de prochaines catastrophes.
Pour le moment, Partage Tanzanie a collecté environ 70 000 euros : 30 000 euros d’une ONG hollandaise qui soutien Partage Tanzanie et 20 000€ d’une donatrice hollandaise. France Parrainages nous a également fait parvenir 20 000€ grâce à la générosité des parrains et marraines.
Il nous manque encore 50 000 euros pour atteindre le montant total des travaux.

 

Quelle est l’action de Partage Tanzanie sur place ? Comment vient-elle en aide aux populations sinistrées ?


Partage Tanzanie possède des centres dans chacun des 21 villages où elle agit. Ces centres sont composés d’assistants sociaux, de professeurs et d’une infirmière. C’est à partir de ces centres que démarrent les actions envers les populations sinistrées. Une fois l’argent collecté, il est réparti dans chaque village, et les équipes du centre, qui connaissent parfaitement le montant des travaux par habitation, se concertent avec les familles pour la construction de leur maison. Les équipes demandent alors à la famille de choisir un maçon, et le responsable du centre le paie alors en deux ou trois fois en attendant que la maison soit construite. Les maçons choisis sont très souvent d’anciens enfants parrainés par Partage Tanzanie. Lorsque les travaux sont terminés, nos équipes inspectent la qualité des travaux afin de vérifier que la maison a été construite selon les normes en vigueur.


Avez-vous reçu de l’aide de l’état Tanzanien ?


L’état Tanzanien a reçu 1.8 million d’euros en faisant appel aux ambassades et pays limitrophes. Les Tanzaniens ont d’abord cru qu’ils allaient pouvoir bénéficier de cette aide pour reconstruire leur maison. Dans la ville de Bukoba, nous avons vu arriver des camions entiers remplis de tôles et de sacs de ciment, immédiatement stockés au sein des magasins généraux du gouvernement, et placés sous surveillance policière. Cependant, le Président tanzanien a déclaré par la suite que l’argent avait été collecté pour reconstruire uniquement les bâtiments appartenant à l’Etat et non les habitations des populations sinistrées. Cette attitude scandaleuse ne fait qu’augmenter les tensions politiques. Il y a peu, l’opposition, déjà, avait appelé à manifester publiquement contre la dérive totalitaire du président Magufuli, élu en novembre 2015 (journaux interdits, radio fermées, universitaires critiques emprisonnés, chaîne télé parlementaire supprimée…). En réponse s’en sont suivis d’impressionnants défilés de l’armée et de la police dans plusieurs grandes villes tanzaniennes, dont l’objectif était d’intimider les populations.

Les victimes du tremblement de terre devront se contenter de se taire… pour ne pas être victimes d’un arbitraire moins naturel que celui des séismes.

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